mardi 29 juillet 2008

Ils font tout un roman de destins ordinaires

J’ai rencontré avec plaisir Dominique Giudicelli. Elle possède une vraie qualité d’échange et d’écoute. Son discours est clair, posé et derrière les mots je devine aisément qu’elle aime son nouveau métier, une passion qu’elle exerce depuis 2007, en changeant d’orientation professionnelle. Elle est passionnante et donne envie de la suivre. Elle m’a donnée l’envie de poursuivre, de persévérer. Lisez cet article qui la mentionne et vous comprendrez mieux en quoi consiste le métier de biographe. Bonne lecture !

Parce qu'ils veulent laisser une trace ou transmettre les récits d'une famille, de plus en plus de Français ont recours aux services d'un biographe qui transforme leur vie en livre

Il est assis dans un fauteuil, tenue claire, visage pâle. Ses mains portent encore les traces d’une récente intervention chirurgicale. Il l’attend. Malgré un état de santé précaire, Jacques Coup a donné rendez-vous à Dominique Giudicelli, sa biographe. À 82 ans, cet ancien commerçant a décidé de faire écrire l’histoire de sa vie. « J’ai d’abord voulu l’écrire moi-même, dit-il d’une voix fatiguée. Mais ce n’est pas si facile de coucher sur le papier ce que l’on a en tête. Lorsque j’ai vu l’annonce de Mme Giudicelli, j’ai pensé qu’elle pourrait m’aider. » Assise à ses côtés, Dominique, la quarantaine, écoute en buvant un café. Ancienne chef de projet multimédia dans une entreprise de presse, elle exerce la profession de biographe familial, en indépendante et pour les Éditions Play Bac, depuis plus d’un an. « J’ai toujours adoré qu’on me raconte des histoires, confie cette Corse aux cheveux d’ébène. Je suis aussi très attachée au lien entre les générations, ma grand-mère a beaucoup compté pour moi. Alors, cette nouvelle activité me comble. Je suis heureuse de découvrir des personnes dans le détail de leur existence, dans la finesse de leurs sentiments. Je fais de vraies rencontres qui m’enchantent. » Dominique a choisi de se lancer au bon moment. Le métier de biographe connaît depuis quelques années un succès grandissant. Dans un monde en mutation, nombreux sont ceux qui ressentent le besoin de témoigner d’une époque et de modes de vie en passe de disparaître. Ils veulent transmettre leur histoire comme un patrimoine.

"J’ai voulu raconter notre émigration, la dureté de la vie"
Aujourd’hui, Dominique rencontre Jacques pour la huitième fois. Le rendez-vous a lieu au domicile de ce dernier, en banlieue parisienne. C’est Françoise, son épouse, qui l’accueille, lui l’attend déjà dans le salon : « Je suis né en France de parents russes émigrés, explique-t-il, le visage grave. Nous étions étrangers et juifs. J’ai voulu raconter notre émigration, la dureté de la vie, l’ostracisme, surtout. Et plus tard, la guerre, l’occupation. Mon frère et mon beau-frère, morts en déportation… » La voix de Jacques se voile. Le vieil homme n’a pas seulement voulu « écrire » ce livre pour les siens. Il sait que son témoignage a aussi une valeur historique. Dominique lui proposera d’ailleurs de soumettre son récit à une maison d’édition bien que les publications soient rarissimes. Ce jour-là, Jacques évoque l’année 1943, son passage dans une ferme où lui et sa famille ont trouvé refuge ; son amitié avec le fils des fermiers… Ces souvenirs le bouleversent. Mais l’humour n’est jamais loin : « L’épisode le plus hilarant de ma guerre, lance-t-il en esquissant un sourire, c’est le jour où une compagnie d’Allemands à débarqué à la ferme. Je me suis dit : tout ce monde ce n'est quand même pas seulement pour moi ! »

Dominique écoute, sourit, pose des questions. Après une heure d’entretien, elle repartira avec l’enregistrement de leur conversation pour rédiger un nouveau chapitre. « L’important, dit-elle, est de rester fidèle à la personne qui raconte, sa façon de parler, ses expressions. » Une heure d’entretien lui demande quatre heures d’écriture. « Quand ce n’est pas le double, explique-t-elle. J’ai une approche artisanale de ce métier. Je fais du sur-mesure. »
Du sur-mesure aussi pour les tarifs : «Chacun selon ses moyens. C’est très important pour moi de pouvoir recueillir la mémoire de tout le monde, y compris des petites gens. Toutes les vies sont intéressantes, il suffit de savoir écouter. » Après la phase d’écriture, Dominique s’occupera de la mise en page – texte et photos – avant de faire imprimer le livre.

Un « cadeau psychologique »
La semaine suivante, notre « gardienne de souvenirs » se rend chez M. Fernandez, un client dont elle a déjà rédigé la biographie. Banlieue parisienne. Quartier résidentiel. Un homme au regard bleu pétillant l’accueille avec un sourire chaleureux. La collaboration avec Dominique – conséquence d’une maladie de la vue qui l’a empêché de mener à bien son projet seul – a donné naissance à un livre de 400 pages dans lequel cet ingénieur à la retraite retrace notamment le début de sa carrière professionnelle. « Par chance, j’ai eu une vie de voyage, raconte-t il d’une voix enjouée. J’ai eu des postes dans plusieurs pays où je me suis occupé de mines souterraines, à l’ancienne, un peu XIXe siècle. C’était assez pittoresque. » M. Fernandez fait une pause pour servir le café, petit rituel de ces entretiens. Puis, il poursuit : « L’autre sujet du livre c’est ma femme. Elle est décédée d’un cancer. J’ai tenu à raconter sa maladie pour mes enfants qui l’avaient vécue de plus loin. » Ce passionné de musique semble heureux d’avoir « écrit ses mémoires ». Un « cadeau psychologique » fait à ses enfants «pour leur dire des choses gratifiantes qui leur donnent une meilleure assise dans la vie».

À l’évidence, il a pris goût à cette forme de collaboration. Aujourd’hui, il souhaiterait poursuivre avec un essai. Paris. Autre lieu, autres personnages. Cette fois aussi, il s’agit d’un cadeau. Mais dans l’autre sens. De plus en plus d’enfants et de petits-enfants offrent le livre de leur vie à leurs parents ou grands-parents. Un présent pas toujours facile à accepter. « J’ai cédé à une forte pression de la part de ma fille et de ma petite-fille », confie Marie-Thérèse, ancienne responsable des ressources humaines à la retraite. "Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone d’un monsieur Alain Lahaye et c’est comme cela que tout a commencé. » Le premier rendez-vous se passe bien, mais « elle était très réticente », confirme celui qu’elle appelle « son scribe », rédacteur pour Votre Biographie Éditions. À la fin de l’entretien, Marie-Thérèse finit par donner son accord. Aujourd’hui, elle envisage même de commander plus d’exemplaires que prévu.

Tisser un lien entre les générations
Malgré une famille « de pièces et de morceaux », cette Bretonne au caractère bien trempé ne voyait pas bien ce qu’elle pouvait raconter. « En dépit des apparences, dit-elle, je ne parle pas facilement. » Difficile, en effet, de se confier à un étranger. Avant de se lancer, Marie-Thérèse vérifie tout de même « qu’Alain n’est pas psy ». Cette femme élégante au regard clair n’est pas du genre à vouloir «balayer dans les coins ». « Ma fille, ajoute-t-elle, a tendance à penser que je suis un peu rigide et elle voulait connaître les origines de ce comportement. » Alors,
pour lui faire plaisir, elle accepte de plonger dans ses souvenirs d’enfance. Le cadeau, c’est elle qui le fait : un livre pour transmettre l’histoire familiale et renouer les fils distendus du dialogue. « Il y a des choses dont Marie-Thérèse aurait pu parler à sa fille, mais c’était plus simple avec moi, confirme Alain. La relation de confiance qui s’installe facilite les confidences, mais les biographes ne sont pas des psys. » Juste des professionnels qui contribuent à tisser un lien entre les générations. À entendre Marie-Thérèse, on comprend que l’aventure n’aura pas été de tout repos. « C’était très perturbant, confie-t-elle. Mais compte tenu de ce que j’ai traversé, je n’ai pas si mal réussi dans la vie.»
La séance, agrémentée de petites friandises, sera consacrée aux photos. Puis Alain partira au théâtre : il est aussi comédien, auteur et metteur en scène. Sa pièce, A la maison, rend hommage aux pensionnaires d’un établissement de retraite dont il a recueilli les souvenirs.
Paula PINTO goms

Imprimer cet article publié le 09-06-2008 sur le site www.la-croix.com

vendredi 23 mai 2008

Récit de vie: Marie-José Leclercq, l’autodidacte

Marie-José Leclercq, l’autodidacte

Marie-José Leclercq a depuis toujours « faim du Français ». Cela remonte à l’école : « à l'époque, l'orthographe, la grammaire, la conjugaison m'étaient naturellement faciles », se souvient-elle.

Elle quitte le monde scolaire après le BEPC, lorgne vers le théâtre vers 17 ans. Mais cette velléité de carrière théâtrale ne plait guère à sa mère qui inscrit alors sa fille à un cours préparant le CAP de secrétariat après la 3ème. Marie-José démarre sa vie professionnelle comme secrétaire. Mais la jeune femme n’a pas froid aux yeux. C’est une communicante dans l’âme. Elle goûte au métier de commerciale : « à défaut d’un diplôme, j'ai fait marcher ma tête. Je ne suis jamais restée sur mes acquis », explique-t-elle. Première règle d’or de son parcours.

Le monde artistique la rattrape. Elle y reste 15 ans, signe des contrats pour des artistes, les accompagne dans leurs tournées, s'occupe de leur promotion…

Elle n’arrête pas et ne lâche jamais prise même dans les moments les plus difficiles: «je n'attends pas qu'on fasse appel à moi. En allant vers les gens, on déclenche l’envie de discuter. J’ai ainsi toujours trouvé des missions grâce au réseau que je me suis constitué ». Deuxième règle d’or.

Tout le long de son parcours, l’écrit ne l’a jamais quittée: « A l’âge de 10 ans j'éditais le journal de mon école. En tant que secrétaire, j'écrivais régulièrement à l'Académie Française pour trancher lors de désaccords avec mes patrons sur les tournures de lettres ou de rapports. Et j'ai conçu la documentation de mes artistes », souligne-t-elle.
Marie-José devient journaliste pigiste pour le Républicain du Val-de-Marne. Elle réalise des reportages sur des associations locales, couvre les évènements sportifs et culturels : « c’est une période de ma vie que j’ai adoré ! ».

La case diplôme


La future formatrice en communication - et écrivain - repasse par la case diplôme. Elle a alors 50 ans : « En France, on confond "compétence" et "diplôme". Il fallait répondre à cette exigence pour pouvoir réintégrer le monde du travail ». Elle passe une validation d’acquis d’expérience (VAE) tout en suivant une formation intense et complète de 9 mois auprès de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Apfa). Le diplôme de "Formatrice professionnelle d'adultes" en poche, elle trouve des missions.

Sa spécialité : aider les gens à « accoucher des mots » à l’oral comme… à l’écrit. A l’ère de la mondialisation, des blogs et des mails, l’écrit est devenu quasi indispensable. « Mais de nos jours, bien peu de personnes savent écrire correctement et de manière attractive », constate-t-elle.

Elle intervient auprès de chefs d'entreprises, et notamment des créateurs pour les aider à mettre des mots sur leur activité et la valoriser : « les mots sont importants. Ils donnent de la visibilité. Ils donnent envie », professe Marie-José. Elle travaille beaucoup et « carbure à la vitamine C ». Elle propose aussi aux particuliers ses services d'écriture pour « mettre en mot la petite musique intérieure de chacun».

Son métier, elle l’aime. Cela s’entend lorsqu’elle en parle. Elle est généreuse dans le partage. Selon elle, il n’existe pas de succès économique sans l’humain, sans qu’il puisse prendre sa place au cœur d’un projet, puisqu’il est LE cœur même de ce projet…

Marie-José a rencontré des difficultés dans sa vie, parfois graves. Mais toujours, elle a su rebondir. Elle avance sans trop regarder en arrière. Elle se fixe des objectifs concrets à atteindre, et à coup sûr, elle les atteint !
Des projets, elle en a encore plein les tiroirs : « j’ai besoin de diversité et de suivre le mouvement du monde ! ». Oui, Marie-José l’autodidacte avance, encore et toujours.

Marina Al Rubaee

Pour Joindre Marie-José Leclercq
06 84 75 75 00

Contact e-mail
http://www.auboutdelaplume.over-blog.com/
http://www.formation.adultes.over-blog.com/

mercredi 19 mars 2008

« Prendre la parole, peut être libérateur »

Les particuliers ne sont pas les seuls à pouvoir «accoucher de leur mémoire ». Cela peut l’être aussi, à des fins utiles, dans le cadre d’une séance collective au sein d’une association. C’est précisément l’activité d’Agnès que j’ai rencontrée en décembre dernier.

N’allez pas croire que les gens livrent, comme cela, à brûle-pourpoint leur vie. Non, il faut du temps pour que la confiance s’installe. Pour Agnès, cela a pris le temps qu’il faut pour se faire connaître, abaisser les barrières des réticences. « La relation de confiance est au centre de tout. C’est par elle que va s se mettre en place la relation de groupe. Cela peut même durer deux mois avant même que l’idée d’un entretien collectif autour du récit de vie puisse s’amorcer », explique Agnès.

Le groupe choisit ensemble le thème de la discussion
Dans un premier temps, il est proposé aux « conteurs » de s’arrêter sur une expérience positive. « Les personnes en difficultés sont souvent sollicitées à partir des problèmes qu’elles rencontrent, mais la vie d’aujourd’hui n’est pas celle qu’ils ont connue hier : se resituer dans un parcours permet de traverser le présent sans le nier. Ainsi, une expérience d’engagement ou de vie professionnelle est-elle souvent abordée car cela touche moins à l’ intimité », précise celle qui a proposé récemment aux « conteurs de Montreuil » de s’arrêter sur leur histoire : sans domiciles, clandestins mais aussi personnes qui ont travaillé toutes leur vie mais sans être déclarées et se trouvent à la rue….

Les entretiens de groupe se passent autour d'une table, ils sont enregistrés sauf lorsqu’un des participants fait signe d’arrêter le magnétophone.
Agnès enregistre surtout « pour libérer l’écoute et pouvoir, par la suite, leur restituer leurs propres paroles ». Et c'est parti pour « l’Heure des conteurs » comme elle aime l’appeler. "L'histoire individuelle de chacun trouve une résonnance dans le groupe. Les paroles des uns rejoignent en miroir celles des autres et permettent de rebondir sur différentes expériences et surtout d’y trouver un sens. "

Ensuite, elle espace les rencontres de quinze jours, laps de temps nécessaire pour permettre de prendre du recul par rapport à la séance, surtout pour retranscrire par écrit ce qui a été enregistré puisque chacun, à la fin, repartira avec une trace de ce qu’il a dit.
Pour Agnès, il est nécessaire de limiter les entretiens dans le temps (entre 12 à 15 séances) : « se fixer une échéance donne une rigueur au projet».

« Je ne pas la propriétaire des propos »
Le respect de la parole est l’une des clés dans la conduite des récits de vie. Si une personne ne se reconnaît pas dans ce qui a été restitué, c’est qu’elle a raison : « la validation par les personnes de leur parole restituée est essentielle. Elles peuvent changer le sens d’une phrase ou bien la supprimer. Je ne suis pas propriétaire de leur propos. Cela leur appartient». Parle celui qui a envie de parler. Personne n’est obligé de rien.

Agnès évoque son activité sans la dissocier d’une dimension collective. « Proposer à une personne qui se dit elle-même- « marginale » ou se définit comme « une rien du tout » c’est donner la parole à ceux que la société ne prend pas le temps d’entendre. Prendre la parole, c’est exister, la donner, la rendre possible c’est faire exister et créer du lien.» Ces rencontres permettent le partage mais aussi de prendre du recul par rapport à une période de fragilité que chacun a vécu à un moment donné de sa vie. « Se plonger dans ses racines aide à se situer dans le présent, c’ est un point de départ pour regarder devant soi et se tourner vers l’avenir », explique Agnès.

Un respect de la vie de chacun
Les paroles sont consignées dans un « Livre d’or ». Il est parfois laissé en libre-accès, au vue et au regard de tous, posé sur une table ou rangé sur une étagère. Mais bizarrement, personne ne vient y jeter un œil indiscret. « Il y a une retenue, un respect de la vie de chacun », constate Agnès.
Parfois, c’est du groupe que vient le désir de rendre public ce travail. Dans le XVIIIème à Paris, « Les conteurs de Marcadet-poissonniers » ont pris l’initiative d’organiser un apéritif « pour mieux connaître les bénévoles du Secours Catholique et les remercier de leur travail de préparation de repas. » Chacun a lu un passage de son histoire, ou récité un poème de sa composition. Il ne suffit de pas grand-chose : d’une estrade et d’un micro.
« Chacun a pu se positionner du bon côté de la barrière : celui de ceux qui peuvent prendre une initiative, celui de ceux à qui on est redevable d’un service ou d’une attention. De ceux à qui l’on dit « merci », se souvient-elle non sans émotion

Un travail auprès des jeunes
Son travail trouve aussi un écho particulier chez les jeunes de banlieue de la région parisienne, bien avant les « évènements » de 2005. Agnès refuse sciemment le terme «d’émeute » regrettant l’appropriation que les médias ont faite de l’actualité de ce mois de novembre.
Ces jeunes ont entre 19 et 25 ans, fâchés pour certains avec l’école, d’autres avec leur famille. Ils ont été sollicités dans le cadre du dispositif du service civique volontaire (SCV) par certaines mairies afin de participer à des projets socio-éducatifs ou culturels liés au monde associatif. C’est pour mettre des mots sur leur malaise que Traces d’Avenir les accompagne. La démarche reste collective. « nous intervenons en équipe mixte pour les accompagner et les inciter à interroger leurs parents sur leur parcours. Cela les aide à se réapproprier leur histoire familiale et a se sentir fiers de leurs racines ».

Se nourrir de l’expérience des autres
Traces d’avenir est le nom de l’association qui regroupe des formateurs et des chercheurs qui favorisent les « Histoires de vie » comme démarche de Formation Continue des Adultes. Tous pratiquent le même métier mais se différencient par les publics auxquels ils s’adressent :
« mémoires et transmission » (pour des demandes individuelles souhaitant favoriser les relations intergénérationnelles) ; « biographie accompagnée : étapes d’une vie d’adulte » ; « histoires de vie et transitions professionnelles » (au moment de la retraite) « récit de vie et addictions » ; « interculturalités et récits de vie » ;« formation à la pratique des histoires de vie » ; « histoires de collectivité et projet ». « Ce regroupement permet d’échanger nos pratiques et de nourrir notre réflexion » souligne Agnès.

Ellle parle volontiers «d’ un engagement humaniste qui contribue à mettre les personnes debout et les incite à devenir actrices de leur existence. Chaque intervention, chaque rencontre ne ressemble à aucune autre. C’est la singularité de chaque parcours, l’unique de chaque existence qui fait la richesse de ce métier".
Leur équipe compte bien poursuivre dans ce sens.
Marina Al Rubaee
Contact :
Tracesd’Avenir 30bis Bd Jourdan Paris 14
tel : 01 45 80 77 56
mail : agneslegrix@hotmail.com

vendredi 14 mars 2008

Parcours d’un écrivain

Christie, « l’accoucheuse de livres »

Le monde du commerce, ce n’était pas pour elle. A la suite d’une rencontre, Christie change son fusil d’épaule. Elle devient « écrivain privé » à son compte, un métier qui lui permet « d’être en accord avec la vie, les autres, mais surtout avec elle-même ».

Christie plante ses yeux dans les vôtres et vous ne les lâchez plus. Ils expriment une passion, une conviction. Ses gestes sont expressifs, vivants. Ils appuient ses propos qui coulent dans un phrasé fluide, clair et précis. Elle parle avec énergie. Vous l’écoutez. Elle vous a ouvert avec plaisir les portes de son monde. Et vous n’avez qu’une seule envie, la suivre dans son univers.
Elle sait transmettre la passion de son métier d’écrivain public. « Non, je préfère le terme d’écrivain privé », corrige-t-elle.
Je l’ai rencontré un matin au mois de janvier, à l’heure du petit-déjeuner, dans ce café à deux pas de chez elle. Elle commande un thé et moi un café au lait. Le serveur me regarde avec de grands yeux ronds. « Ah, vous voulez dire un crème, alors ! » Le souci précis du mot…Nous allons passer presque une heure ensemble.
J’ai préparé une liste de questions, consigné dans un petit cahier. Comme si elle les avait devinées, elle y répond avant même que je ne les ai posées.
Elle a quitté le monde du commerce pour lequel, elle était destinée par ses études. Suite logique, sauf pour elle afin de « pouvoir enfin vivre pleinement. »

Sa reconversion : le fruit d’une rencontre
«Cela ne me correspondait pas. Je n’arrivais pas à me vendre à mes entretiens ».
Un jour, elle, elle feuillette un Télérama et tombe sur le portrait d’une femme dont le métier est « d’accoucher de la vie des autres ». L’idée lui plait. Elle la rencontre. Christie se passionne pour ce métier. Elle n’a alors plus qu’une envie, suivre la même voie. « C’était comme une étincelle dans mon horizon obscurcie»
La jeune femme renoue alors avec un des amours, l’écriture. Et puis, elle sait aussi écouter.
Elle se lance, seule, à tâtons. Elle décrit son projet, construit une plaquette «Pour m’exercer et me faire connaître, j’ai mobilisé mon réseau proche, soit en tout 70 personnes ».
Sa démarche trouve un écho auprès des amis de ses parents. Christie démarre alors son activité par les biographies familiales. « L’entourage permet de mettre à l’étrier mais il ne peut s’agir que d’une aide ponctuelle.
Le but est de se pérenniser de façon professionnelle », prévient-elle.
Elle mettra deux ans pour se positionner. « Il est difficile d’en vivre complètement. Je conseille souvent d’avoir, à côté, une autre activité pour compléter ses revenus ».
Peu à peu, elle délaisse les biographies pour se tourner vers les livres de management. Elle prête ainsi sa plume à des professionnels de l’entreprise qui pour certains souhaitent témoigner de leur parcours, qui pour d’autres, il s’agira de vulgariser des méthodes de management.
Parfois, Christie aide ses clients à trouver l’éditeur qui publiera leur livre (L’efficacité sans stress ; Mieux vivre avec ses émotions … et celles des autres ; Au secours, je n’aime plus mon job ! )
Aujourd’hui, les livres de management représentent 90% de son activité. « Il est important de trouver une « niche » qui nous aidera à nous démarquer. Cela ne sert à rien de se lancer dans une activité dans laquelle tout le monde s’engouffre déjà ».

Gérer ses relations avec ses clients
Trouver sa place face à un client n’est pas toujours une mince affaire. Selon Christie, elle n’est pas seule à porter le projet sur l’épaule. « Le client doit autant que moi s’impliquer dans le travail. C’est de l’ordre de 50-50 ». Au préalable, elle invite la personne à s’interroger sur ses propres motivations et l’objectif qu’elle veut d’atteindre.
« Je passe une demi-heure avec elle que je ne facture pas pour mieux cerner ce qu’elle souhaite vraiment ». Mais, si il y a bien une règle à laquelle elle ne déroge pas, c’est bien le temps qu’elle y consacre. «Les gens ne veulent pas définir une date butoir.
C’est pourtant primordial que les rencontres soient cadrées dans le temps si nous voulons mener à bien le projet ».
Christie s’est fixé le rythme d’une rencontre de deux heures tous les quinze jours. Elle a appris à travailler vite et bien. Sa méthode : elle saisit directement sur ordinateur l’entretien : « Rapidement, je me suis exercée à taper sur le clavier ».
Autre petite astuce : elle a paramétré des abréviations qui lui permettent de saisir plus rapidement les mots. « C’est bien pratique », assure-t-elle. Autre conseil : ne pas sous-évaluer son temps de travail. « J’offre de mon temps et c’est normal que cela soit payé à sa juste valeur. Et encore, certains de mes clients me disent que je ne facture encore pas assez cher ! », plaisante-t-elle.

Lutter contre la solitude et se faire épauler
« Mais attention, tout n’est pas tout rose dans mon métier car travailler de chez soi n’est pas toujours évident», prévient la jeune femme. Elle évoque ses moments de doute mais aussi le poids de la solitude.
Pour y faire face, elle a inventé ses propres conditions de travail. Par jeu, elle minute son temps d’écriture pour l’aider à se mettre des conditions optimales de travail. Elle a aussi réalisé deux blogs : un lié à son métier (plume de vie), et un autre plus personnel (ma vie sans moi avec lien). Elle a une vingtaine de « fidèles » qui interagissent avec elle sur son site.
« Elles, parce que c’est d’abord des femmes, sont un peu mes collègues de bureau que je n’ai pas. Je « poste » un message par jour. Toutes répondent ! ».
En parallèle, Christie organise régulièrement chez elle un « work and the city », une réunion entre femmes qui échangent, se conseillent et se rendent mutuellement des services pour le boulot. « Cela aide à prendre du recul et à se positionner. ».
Pour faire le point, elle se fait épauler par un coach (Chine Lanzmann). Cela l’a aidée à regarder et d’analyser les « angles morts » tels que de rendre plus positif son rapport avec l’argent… et par là, à augmenter son chiffre d’affaires et explorer des pistes auxquelles elle n’avait pas forcément pensé.

Se ménager des temps à soi
Le boulot, c’est bien mais il faut savoir, de temps à autre, être un peu « égoïste », c'est-à-dire penser à soi. Pour chaque journée, elle s’autorise un plaisir. Cela peut-être la lecture d’un livre, une petite promenade dans le quartier ou de ranger tout simplement son bureau.
La jeune femme s’est imposé un rituel. Chaque semaine, elle note sur son agenda des « rendez-vous avec soi » auxquels elle n’échappe pas : un cours de natation, des massages en institut... D’autant plus nécessaire qu’elle est maman de deux petites filles en bas âge. « Me consacrer du temps me permet de souffler et de me déconnecter avec toutes les contraintes extérieures ».
Un moment, elle lève les yeux vers le plafond. Huit ans déjà qu’elle exerce ce métier. Son regard se repose sur vous «Eh bien, je peux vous dire que je ne regrette rien ! »
Marina Al Rubaee

mercredi 20 février 2008

Pourquoi je veux changer de métier ?

C’est une excellente question, n’est-ce pas ? Il n’est pas toujours évident de faire un travail d’introspection. Mais essayons.

C’est surtout le fruit d’une rencontre qui s’est transformée en désir de changement. Et ce désir en « pourquoi pas » ? Cette idée de blog est née aussi d’une discussion anodine que j’ai eue avec un journaliste Hugues Serraf. Lorsqu’il était, il y a trois ans, au chômage, il a eu l’idée de créer un blog de réflexions politiques et de sociétés décalés, comme ça, juste pour le plaisir. Depuis, il a retrouvé du travail mais il a continué à nourrir quotidiennement son blog. Il a maintenant ses « adeptes » et de ses analyses, surtout politiques, il va en sortir un livre. Beau parcours. A mon tour, il m’est venu alors l’idée de la création de ce blog pour fédérer une communauté de partage et d’expériences autour du récit de vie.

J’ai un peu de temps devant moi pour explorer, questionner. Le temps est aujourd’hui une denrée rare. Je culpabilisais, c’est vrai au départ, de ne plus suivre le mouvement effréné de la société, d’être toujours dans le «faire », et si peu dans « l’être ».
Course sans fin qui nous empêche de prendre du recul, de réfléchir à ce que nous souhaitons vraiment. Pour qui et après quoi courrons-nous ? Dans quel but ? Quel est le sens de tout cela ?

Je ne renie pas tout le chemin, un peu en zigzag, un peu illogique que j’ai pu réaliser dans ma vie professionnelle. Mais maintenant, j’ai un peu le temps de me poser. De ce temps, on me l’offre et je le prends. Mais il reste toujours difficile de se sonder, d’explorer ses envies et de prendre le risque, peut-être, de rouvrir la boîte de Pandore, de désirs refoulés, de nos expériences douloureuses que nous avons crû à jamais volatilisés. Mais tout cela n’a fait qu’enfler dans l’ombre, pour qu’un jour ou l’autre, nous rattraper.

Oui, c’est de sens et de partage dont j’ai besoin, de cohérence surtout, par rapport à mes aspirations et ce que je vis réellement. M’intéresser à la vie des autres permet, paradoxalement, de nourrir aussi la mienne. De ce désir de changement, je rencontre parfois chez les autres du sarcasme, des résistances, de l’incompréhension. Et même chez certains biographes, j’ai rencontré beaucoup de réticences à partager leur « vécu » du métier… Alors qu’importe, avançons. J’apprends à me faire confiance et à suivre mon intuition. Cependant, aller vers l’inconnu, au-delà des chantiers battus, est loin d’être évident.

Il y a bien sûr les exigences de l’indépendance : la gestion, la comptabilité, la commercialisation… Et puis l’isolement. Trouver des sas de décompression d’autant plus nécessaires que ce métier est bien « isolant » face à la page blanche. Il me faudra surpasser « mes freins intérieurs » et de me laisser le temps (et oui encore !).
Aux dires de certains, il faut compter « manger au départ beaucoup de pâtes au beurre ». En gros, ramer beaucoup avant d’y arriver vraiment. Il est même conseiller de cumuler, au début, avec une autre activité. Je continuerai donc, pour un moment, mon métier de la journaliste… à la pige.

J’aime écrire. Première piste. Ecrire pour être proche des gens. J’aime « l’humanité » qui se trouve en chacun de nous, faire ressurgir de ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes. De nos expériences que nous pensons être insignifiantes peuvent se révéler un vrai trésor pour les autres. Et cette transmission d’un « savoir de la vie » passe par l’écrit. L’écrit jeté sur le papier ou sur un écran d’ordinateur, noir sur blanc, aide à faire le point, à trouver peut-être le courage de tourner la page, d’aller de l’avant.

Voici des propos que j’ai relevés quelques part lors de ma pérégrination sur Internet. Je les emprunte donc à l’auteur sans savoir qui il est – car j’ai oublié le nom- sauf qu’il est lui-même écrivain : « les mots font partie des clés menant à la compréhension de nous-mêmes. Ils ont beaucoup à nous apprendre. Rien n’est sans justification, ni la prononciation, ni l’écriture. Être écrivain, ce n’est pas écrire pour soi mais offrir ses services à l’autre. Ecrire pour transmettre ; écrire pour s’ouvrir aux autres. Les paroles s’envolent, les écrits restent ».

Un projet sommeille en moi, encore balbutiant. Mais à mon insu, cela prend tout doucement forme. Il suffit parfois d’une phrase, d’un échange pour que cela surgit, pour que les pièces du puzzle se mettent en place, doucement, mais sûrement. C’est pourquoi connaître l’expérience d’autres biographes m’aide à nourrir mon cheminement. Il sera sans doute question de « Récit à tenir debout », après un deuil, le passage d’une longue maladie… autour d’un groupe de personnes, pour que la parole se libère, pour que l’expérience, aussi douloureuse soit-elle, puisse être partagée, enfin… et permettre à chacun de se réapproprier son histoire et lui donner sens, par le pouvoir des mots.

mardi 29 janvier 2008

Ecrivain public : deux autres formations

J'ai cherché, fouillé le Net... et puis j'ai trouvé ces deux autres formations qui me semblent intéressantes. L'une est le D.U. Ecrivain public et auteur conseil dispensée par l'Université Toulon-Var. Le contenu est attirant... moins le prix. Il faut compter pour une année universitaire près de 2415 euros dans le cadre d'une formation continue (pas de formation initiale). Par l'intermédiaire de leur entreprise, les salariés peuvent intégrer des dispositifs de formation tels que le Droit individuel à la formation (DIF) ou le Congé individuel de formation (CIF). L'avantage est double : la formation est prise en charge par l'employeur via le Fongecif ou par les organismes partaires qui récoltent les cotisations de formation versées par les entreprises. Par là-même, les salariés voient leur rémunération maintenue (sous certaines conditions). La formation commence au mois d'octobre mais les inscriptions se déroulent entre les mois de mars et avril 2008.

L'autre formation est à distance et est dispensée par le Centre national d'enseignement à distance (CNED) qui a mis en place cinq modules d'apprentissage autour du métier d'écrivain public. Coût de la formation : de 180 euros à 276 euros... Les prix y sont davantage accessibles.

Interview du mois : Nathalie Herranz - Nouveau départ à 25 ans : Écrivain Conseil Nathalie

Interview trouvée sur http://www.lewebzinegratuit.com/n63.htm

Vous avez 25 ans, vous venez de terminer vos études littéraires et vous installez écrivain conseil ?
Non, justement... J'ai bien eu mon Bac Littéraire à l'âge de dix-huit ans, puisque j'ai toujours voulu vivre par et pour l'écriture. -

Comme l'a résumé Marcel Proust : La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, par conséquent la seule vie réellement vécue, c'est la littérature ?
Oui, forcément... Je ne peux qu'approuver pleinement ! Pour moi, les mots ont besoin d'être couchés sur le papier pour prendre toute leur dimension. Je pense que les mots font partie des clés menant à la compréhension de nous-mêmes, et qu'ils ont encore énormément à nous apprendre. Rien n'est sans signification, ni leur prononciation, ni leur écriture, ni leur étymologie... J'avais donc ce souhait d'écrire, écrire pour moi, et aussi pour les autres. Mais j'ai dû travailler très rapidement, pour des raisons matérielles et financières... Et donc, je n'ai pas pu continuer mes études et me suis rapidement lancée dans la vie active, avec seulement le bac en poche. Je pensais à l'époque que je ne pourrais pas vivre de cette passion littéraire, et je croyais m'être fait une raison...

Parcours atypique ? Ou alors on arrive le plus souvent à écrivain conseil par des chemins sinueux ?
Pour ma part, j'ai tout de même suivi un parcours atypique, oui... J'ai rapidement travaillé après le bac, dans les secteurs les plus recruteurs à l'époque puisqu'il fallait bien vivre ! D'abord dans le conseil clientèle, puis, de fil en aiguille, je suis devenue chef de production d'une unité d'édition laser de mailings publicitaires. Cette expérience m'a beaucoup appris, humainement et professionnellement, et m'a donné les compétences de gestion et d'organisation nécessaires, à mon sens, pour s'installer à son compte. En plus de la gestion du service, je devais veiller à ce qu'il n'y ait aucune coquille (orthographique, syntaxique ou typographique) dans les textes avant le lancement de l'impression... Ce détail m'a permis de ne jamais couper le lien avec l'écriture.

Il n'existe pas de filière professionnelle pour écrivain conseils ?
Certains de mes confrères ont suivi une formation officielle d'écrivain public avant de s'installer : il en existe deux, une licence professionnelle délivrée par la Sorbonne à Paris et un DU délivré par l'université de Toulon et du Var. D'autres ont suivi un parcours totalement différent : il y a beaucoup de littéraires, d'anciens journalistes ou professeurs de français, sans compter les reconversions surprenantes de certains. C'est ce qui fait la force et la faiblesse de la profession, à mon sens... La force parce que le métier est ouvert à toutes les compétences, il y a une grande tolérance, ce qui est rare de nos jours. Quand on est passionné, on peut se lancer, sans être bloqué par les a priori classiques de l'âge, du diplôme. On n'est pas bloqué... même si on y est parfois confronté, bien entendu ! Il faut avoir la tête dure et beaucoup de détermination ! La faiblesse parce qu'étant donné cette grande liberté, certains (peu nombreux, mais il y en a...) s'installent peut-être parfois avec plus ou moins de sérieux, en ayant plus ou moins réfléchi aux implications de leur décision et aux compétences que l'on sera en droit d'attendre d'eux... Cela peut desservir l'image de la profession, mais d'une manière toutefois limitée. En effet, je pense que ceux qui tiennent, ceux qui réussissent surtout à convaincre et fidéliser une clientèle n'ont pas de souci à se faire, c'est cela qui fait la différence et démontre leurs capacités et leur professionnalisme.

- Vous connaissez de nombreux collègues concurrents ?
- Oui, il y a une grande solidarité dans l'ensemble de la profession. La plupart sont adorables. Nous pensons que plus nous serons nombreux, plus le métier sera connu et reconnu pour ce qu'il est réellement. De plus, la palette de compétences de l'écrivain conseil est tellement vaste que nous sommes nombreux à nous être spécialisés dans des domaines différents. Je pense qu'il faut accepter la concurrence honnête et composer avec elle. Je suis une des seules, il me semble, à m'être spécialisée dans la relecture et la correction d'oeuvres d'auteurs. Il y aussi des spécialistes biographes, calligraphes... Ce sont nos compétences et nos particularités qui fidélisent notre clientèle, et il y a de la place pour tout le monde ! Je fais partie du GREC (Groupement des écrivains Conseil), les membres sont chaleureux et nous échangeons le plus possible sur nos activités par des conseils, des tuyaux, ou tout simplement nos impressions... Ce groupement prend en compte l'aspect humain et vivant de la profession, et c'est essentiel à mon sens.

Le changement d'activité était programmé ?
Non... Je continuais à lire énormément, et à écrire pour mon plaisir, mais je ne savais pas si ma vie professionnelle m'offrirait un jour la possibilité de changer de voie. Tout doit tellement entrer dans les normes aujourd'hui... Tel cursus, tel métier... Mais tel cursus veut aussi dire telle école, et donc telle facture ! On n'est finalement pas encore vraiment égaux devant les études supérieures, lorsqu'on doit s'assumer seul par exemple. C'est encore l'argent qui détermine bien des choses... Et pas toujours les capacités.

Quel fut le déclic ?
J'ai réalisé que j'avais appris à apprécier mon travail, mais que je ne m'y épanouissais pas pleinement. Cela faisait cinq ans que je travaillais sans arrêt. Cela m'a beaucoup appris et je ne regrette rien, bien au contraire. J'avais réussi, en partant de peu, à atteindre une position intéressante dans l'entreprise où je travaillais. Cela peut paraître extrêmement simpliste, mais je me suis demandé ce que mon travail m'apportait réellement, et ce que j'apportais, moi, aux autres... Quel était le sens de tout cela ? Je me suis alors posé la question de savoir quel métier j'aurais choisi si je n'avais eu aucune contrainte et aucune limite. Si j'avais dû me fier seulement à mes goûts et à mes aptitudes... Car je pense que nous avons tous une vocation naturelle, une prédilection pour un domaine particulier, qu'il s'agisse d'horticulture, de médecine, de science ou que sais-je, mais que la vie ne nous a pas toujours laissé le choix ! C'est donc à nous d'oser aller au-delà des sentiers battus, s'il le faut. Et l'écriture est revenue à mon esprit, encore et toujours. Je voulais écrire, mais pas seulement en tant que rédactrice, je voulais être proche des gens, y compris des particuliers, et pouvoir également laisser s'exprimer ma passion du livre ! Il n'y avait que ce métier qui répondait à tous ces critères...

Une quête de sérénité ? un questionnement philosophique ?
Un peu des deux. Mais dans la simplicité la plus absolue. Nous nous posons tous les mêmes questions, finalement. Je voulais tout simplement me rapprocher de moi-même. En dépit des difficultés, c'est en étant le plus en accord avec soi-même que l'on est le plus épanoui. Donc j'ai essayé d'être honnête, de ne pas perdre de vue l'essentiel ! Et je suis réellement heureuse lorsque je travaille à écrire ou corriger un texte. On verra ce que l'avenir dira, en tout cas je n'aurai pas de regrets !

Peut-on changer de vie professionnelle sans susciter des réactions d'incompréhension chez ses proches ?
Difficile... Comment leur faire comprendre qu'il est préférable de quitter un poste stable, bien payé et destiné à évoluer, pour aller vers l'inconnu, vers une profession réputée difficile et peu rémunératrice ? Surtout après être partie de peu, cela paraissait vraiment insensé. Pourtant, selon moi, tout est relatif. Se sentir à sa place, vivre de ce qu'on aime, cela mérite d'y sacrifier un certain confort financier. C'est une question de point de vue ! Il suffit de rester raisonnable dans ses exigences de vie... Mais là aussi, c'est un choix que chacun est libre de faire ou pas, et qui n'est pas forcément simple. Avant de me lancer, j'avais d'ailleurs effectué un bilan de compétences pour vérifier l'adéquation de mon projet avec la réalité et mes aptitudes. J'ai aussi suivi une formation à la création d'entreprise, car au-delà du coeur de métier, il y a le quotidien de l'indépendant : comptabilité, commercial, gestion... Taxes et cotisations ! Il faut pouvoir en mesurer la portée avant de se lancer, et vérifier ainsi la cohérence de son projet. Je me suis aussi formée et mise à jour de manière approfondie sur les règles de la typographie, de la mise en page... Aujourd'hui, beaucoup de ceux qui avaient cru à une sorte de lubie artistique ont maintenant confiance en moi et mes compétences, et je suis plutôt soutenue maintenant que je suis installée ! J'ai eu la chance également de rencontrer des personnes formidables qui m'ont beaucoup soutenue.

Un bilan de compétence, dans l'artistique... c'est un terme un peu surprenant ?
Le bilan de compétences n'est plus aujourd'hui un simple récapitulatif de nos savoir-faire. D'après l'expérience que j'en ai eue, il s'adresse plutôt aux personnes désireuses de faire le point sur leurs acquis personnels et professionnels, de trouver leur voie, et de monter un plan d'action approprié à la concrétisation de leur projet. Nous avons pris le temps d'approfondir, et d'oser sortir des conventions, tout en restant réalistes. Je le conseillerais à tous ceux qui sentent, par exemple, qu'ils ne sont pas exactement à leur place, qu'ils n'utilisent pas au mieux leurs capacités. Quel que soit le domaine auquel ils se destinent...

Derrière écrivain conseil, quelles activités, quel quotidien ?
Être écrivain conseil, ce n'est pas écrire pour soi, dans son coin, mais offrir ses services à l'autre, la démarche n'est pas la même... Je pense que la communication écrite est de plus en plus primordiale de nos jours, d'autant plus avec le développement d'Internet, contrairement à certains avis ! Les sites web ne sont-ils pas pleins de mots et de phrases ?! Les paroles s'envolent et les écrits restent... Les écrivains conseil sont des rédacteurs et correcteurs qui offrent leurs services aux entreprises, mais également aux particuliers. Là est toute la différence, finalement. Ensuite, chacun de nous a ses spécialités et ses préférences. J'ai donc fait le choix personnel de me spécialiser dans la relecture et la correction d'oeuvres d'auteurs. Cela représente l'essentiel de mon activité. Les livres représentent vraiment ma passion. Je suis aussi correctrice de sites Internet, courriers...En tant que rédactrice, l'écriture de biographies et d'articles fait également partie de mes prestations. Je suis un peu moins axée sur la rédaction de courriers et discours pour les particuliers, mais de nombreux autres collègues préfèrent se concentrer sur ces activités, car ce sont celles qui offrent le contact humain le plus riche et le plus intéressant. Cet aspect humain et social, pour ma part, je souhaite le développer lors d'ateliers d'écriture. C'est aussi cette liberté qui m'a attirée dans le métier... J'ai énormément d'idées dans ce sens. L'expression écrite est totalement différente de l'expression orale, et peut aider à développer notre créativité. Mais mettre en mots ce que l'on ressent peut aussi débloquer pas mal de choses... Et c'est également cet aspect thérapeutique de l'écriture qui m'intéresse.

Comment travaillez-vous ?
Je travaille essentiellement par téléphone et par Internet. Ce qui ne m'empêche pas de rencontrer mes clients lors de déplacements, ou lorsque cela s'avère nécessaire. Par exemple, pour l'écriture d'une biographie, il est évident que le fait de rencontrer la personne, de l'écouter parler est essentiel pour la cerner et retranscrire son histoire avec les mots qui lui ressemblent le plus...

N'y aurait-il pas meilleure dénomination que ce écrivain conseil?
Correctrice, conseils rédactionnels est concret... ne croyez-vous pas qu'un terme plus parlant serait préférable ?- Écrivain conseil, c'est un autre terme pour désigner les écrivains publics. Je ne voulais pas utiliser le terme écrivain public, à cause de l'image faussée et moyenâgeuse qui y est attachée, mais c'est un avis personnel et subjectif qui n'engage que moi. Il est vrai que mon activité est essentiellement basée sur la correction, mais le fait de développer des ateliers d'écriture et de pouvoir rédiger articles et textes variés m'intéresse. Ce métier permet justement d'aborder plusieurs activités liées à l'écriture. Mais tout dépendra de l'évolution des choses... Si à un moment donné, mes prestations se limitaient uniquement à de la correction, alors oui, je penserais à une dénomination plus adaptée. Et de toutes façons, je tiens compte de toutes les remarques et conseils de mes partenaires, ma clientèle, mon entourage. Et je reste souple, rien n'est figé... .

Vous vous y prenez comment pour démarcher des auteurs le plus souvent peu fortunés et méfiants ?
Cela peut paraître simple, mais une démarche spontanée et sincère aide à démarrer. Le fait de s'intéresser réellement à l'oeuvre de l'auteur, aussi bien sur le fond que sur la forme, et de l'accompagner dans cette démarche personnelle et intime qu'est l'écriture d'un livre est très apprécié. La qualité du travail et le soin qu'on y apporte achèvent ensuite de convaincre. Il faut aussi être cohérent et pratiquer des tarifs adaptés, certes, à l'ampleur du travail, mais aussi à la bourse d'un particulier... rester honnête par rapport à la valeur de son travail, au temps qu'on y passe réellement, sans le sous-estimer ni le surestimer ! Pour le moment, le bouche à oreille commence à faire son effet, et c'est pour moi la plus belle publicité... Et la plus belle récompense !

Votre site internet vient juste d'être créé... un complément au bouche à oreille ?Oui, indispensable à mon avis. C'est un support important pour la clientèle, qui peut consulter librement les témoignages des auteurs avec qui j'ai déjà travaillé, les tarifs, mon mode opératoire avant de décider de me contacter, par téléphone ou le plus souvent par mail. Internet est une formidable fenêtre ouverte sur le monde. Il y a quelque chose d'énorme dans cet outil, quelque chose qui n'est pas toujours mesuré à sa juste valeur mais qui prend de plus en plus d'ampleur. La toile abolit les frontières et repousse beaucoup de limites pour permettre à des personnes du monde entier d'entrer et de rester en contact. C'est aussi la liberté... J'en suis très consciente.

Vous étiez au salon du livre de Paris, vos réactions ?
Le Salon du Livre est un regroupement à grande échelle de professionnels et de passionnés. J'y ai fait quelques rencontres humaines intéressantes. Néanmoins, il s'agit, à mon sens, d'un événement principalement commercial où ceux qui ne rentrent pas dans un certain moule, qui ne sont pas conformes, ont du mal à se faire leur place, et même à se faire entendre, qu'il s'agisse d'auteurs ou d'acteurs indépendants du monde du livre (correcteurs, traducteurs...). C'est dommage, mais force est de constater qu'il en est ainsi. C'est pourquoi j'ai été séduite par quelques interlocuteurs qui m'ont donné de leur temps et de leur gentillesse, je suis ravie d'avoir fait leur rencontre. Je pense qu'il faut rester soi-même en toutes situations, ne jamais se mentir, c'est vital... Sinon, pourquoi écrire ? Il faut toujours donner un sens à tout ce que l'on fait.J'ai donc eu quelques déceptions, je m'y attendais, car mon enthousiasme n'avait pas entamé ma lucidité. C'est vrai qu'il s'agit surtout... De vendre des livres, du moins, c'est le sentiment que j'ai eu ! Mais tout de même, c'est enrichissant de discuter avec de vrais passionnés, des personnes humainement intéressantes et aussi très généreuses, car il y en a beaucoup, il ne faut pas les oublier ! Je reste positive... Et lucide !

Après la vie d'écrivain conseil, vous aurez une autre vie écrivain? Vous écrivez avec l'intention de publier ?
Écrire... Oui... forcément, obligatoirement, je vais répondre oui ! Je dois avouer que c'est une passion qui m'habite pleinement et entièrement. J'ai aussi envie de transmettre des choses par écrit... J'ai choisi ce métier pour m'ouvrir aux autres, mais aussi pour me donner la possibilité de prendre du temps pour écrire. Être indépendant, c'est très difficile, mais cela permet quand même de pouvoir organiser ses horaires ! C'est l'avantage ! - Et si, malgré les compétences, malgré l'enthousiasme, ça ne marchait pas financièrement ? - Je préfère prendre les choses les unes après les autres, mais je reste consciente que c'est une possibilité. Et bien, dans ce cas, j'essaierai de me donner les moyens de vivre de cette passion quand même. Ne dit-on pas que lorsqu'une porte se referme, une autre s'ouvre toujours ?... On peut arriver à destination en prenant d'autres chemins que ceux qui sont balisés et connus. Du moins, c'est ce que je pense ! Le site internet : http://www.ecrivain-conseil-nh.com/

Des débuts difficiles avec des pâtes au beurre

Je continue mon enquête. Il y a deux ans, j’ai réalisé un reportage sur les habitants d'une cité de la ville de Sarcelles qui témoignaient devant un parterre de jeunes gens de leur vie d'anciens migrants. Frédéric Praud était celui qui posait les questions. Il est écrivain public biographe.

Gâce à son association Paroles d'hommes et de femmes, il mène un travail d'action éducative au sein des écoles à travers deux de ses programmes "100 témoins 100 écoles" et "Mémoires croisées : la mémoire source de liens social". Cette transmission de la mémoire à travers l’écriture m’a passionnée.

Cet homme, je l'ai récemment contacté pour lui demander son avis et des conseils quant à ma démarche. Lui-même, il a commencé son activité en 1999. Il était l'un des tous premiers à s'être lancé. Selon lui, il ne se passe pas un seul jour sans que d'anciens journalistes ne se lancent dans les récits de vie. Dans les six mois, 90% d'entre eux abandonnent en route. "Il ne suffit pas de savoir écrire et d'être à l'écoute. Il est important de faire partie d'un réseau et aussi de démarcher. Ce n'est pas chose facile!", me dit-il.

D'après lui, il faut moins deux ans de durs labeurs pour en récolter les fruits "en mangeant beaucoup de pâtes au beurre sans rien d'autres dedans!". Le bon moyen de se former est d'essayer au récit de vie avec une personne de son entourage : un parent, une amie... Bon à savoir : pour une question de rentabilité (Oh! quel vilain mot! Mais qui est un pourtant une réalité pour qui souhaite vivre de cette activité...), pour retranscrire une interview de 90 mm, il faut compter au moins quatre heures. Cependant, Frédéric Praud, surtout auprès des institutions proposent un forfait global, plus facile à gérer, plutôt que de se faire payer à la séance ou à l'heure (pratique courante auprès des particuliers).

Il a aussi évoqué l'existence d'une formation dispensée à la Sorbonne (Paris 3) : une licence professionnnelle "écriain public, assistant en démarches administratives et en écritures privées". Elle admet 25 étudiants et forme des professionnels de l'écriture capables de répondre aux besoins à la fois de la collectivité et des personnes privées. Les débouchés se trouvent dans :
- le secteur social, socio-éducatif, ou socioculturel (mairies, associations...)
- le secteur libéral (cabinet d'écrivain public)
- les entreprises de l'édition
- les entreprises à la recherche d'un écrivain public pour des travaux de rédaction, de correction ou de réécriture.
Les étudiants devront par la suite effectuer 400 heures de stages pour multiplier les expériences et se frotter à la réalité du terrain. Les cours ont lieu tous les jeudis et les vendredis.

L'enquête se poursuit...

lundi 21 janvier 2008

Et c'est parti!

Première démarche dans ma quête. Contacter les personnes ou les structures qui soient en rapport avec le récit de vie. Enquêter, rencontrer, questionner, avoir une idée plus précise du secteur... Est-ce une utopie ou une réalité qui pourrait devenir envisageable?